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Défense d'y voir

  J'habite un corps étranger en exil, une terre sans mer ni patrie, un continent sans fluides, un pot ébréché qui cicatrise mal, un champ ravagé sans culture, un humus stérile. L'été, mes veines tracent la carte routière de mes voyages intérieurs. L'hiver, elles disparaissent. Je suis allongée car je ne sais pas encore me redresser. L'attente est interminable. Mes yeux sautent d'un endroit à un autre avec l'agilité d'un chat. Le lit d'osier a des crénelures en forme de boucles que je m'applique à suivre. Première lecture des mots de ma forteresse. Le voyage commence par l'exploration d'une pièce rapportée où règne un calme plat. Un plafond à parcourir de long en large jusqu'au seul coin que mon regard peut atteindre. Une moulure sert de tremplin au vide. Le papier peint est rempli de figures qui se répètent invariablement. Un rideau se soulève entre la chambre et les jardins. L'air ne pèse rien. Pas même le poids d'un corp

Mona au Halo

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La géométrie s'accorde mal avec l'hétérogénéité des matériaux de récupération. D'un côté, une recherche d'ordre et de rigueur. De l'autre, un éventail de textures qui évoque les éléments prosaïques du quotidien. Dans ces conditions, comment faire le lien entre une caryatide d'isorel qui s'est substituée à une toile, deux yeux absents recouverts de pampille de laine rose et un cadre constitué d'un assemblage de papiers de soie colorés ? Cette œuvre récente de l'artiste Gatien Mabounga est exposée ce samedi 28 octobre lors d'une après-midi festive au Halo, association de Blois qui organise des activités culturelles et sociales à vocation thérapeutique. L'artiste dans la présentation de son exposition donne quelques clés de compréhension de ses œuvres. Une Mona Lisa à qui il aurait donné rendez-vous, les paroles retranscrites d'une chanson, le choix économique du charbon d'une densité plus dure que le fusain, des papiers déjà peints

Le vestiaire des ombres

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Livre publié à l'occasion de l'exposition éponyme à la galerie Templon à Paris du 7 janvier au 4 mars 2023, édité par Théa Chevalin   On entre dans la galerie Templon comme en religion avec trois silhouettes hiératiques posées sur des socles de plâtre recouverts d'une coulée de fils qui affleure à leur surface. Les sculptures ont pris l'habit de recluses. Leur tête inclinée évoque l'introspection de la prière. Elles sont vêtues d'un tissu rigide leur taillant une stature de guerrières médiévales d'Heroic Fantasy. Corsetés dans les plis d'une étoffe épaisse, la plus petite ressemble à la vierge noire d'une église de campagne. Chacune porte au sommet de son crâne une corde tissée qui marque son aplomb. Quelque chose cloche dans la taille de ces figures. Trop petites ou trop grandes pour être humaines, qui sont-elles ? Les insectes concentrent leur être dans l'extension vitale de leurs pattes ou des ailes pour se déplacer. Leur tête ainsi réduit