Défense d'y voir
J'habite un corps étranger en exil, une terre sans mer ni patrie, un continent sans fluides, un pot ébréché qui cicatrise mal, un champ ravagé sans culture, un humus stérile. L'été, mes veines tracent la carte routière de mes voyages intérieurs. L'hiver, elles disparaissent. Je suis allongée car je ne sais pas encore me redresser. L'attente est interminable. Mes yeux sautent d'un endroit à un autre avec l'agilité d'un chat. Le lit d'osier a des crénelures en forme de boucles que je m'applique à suivre. Première lecture des mots de ma forteresse. Le voyage commence par l'exploration d'une pièce rapportée où règne un calme plat. Un plafond à parcourir de long en large jusqu'au seul coin que mon regard peut atteindre. Une moulure sert de tremplin au vide. Le papier peint est rempli de figures qui se répètent invariablement. Un rideau se soulève entre la chambre et les jardins. L'air ne pèse rien. Pas même le poids d'un corp...