Les Rocheuses
Poème inspiré du
film Lillian d'Andreas Horvath, 2019
D'après
l'histoire vraie de Lillian Alling qui traversa l'Amérique à pied
Les Rocheuses
Niet
Une femme prend la route
Sans encombre
Sur les débris qui s'amoncellent
Elle laisse les voies toutes tracées aux échangeurs routiers
Part sans se soucier de ses talons
Au premier bois
Trouve une maison qu'elle quitte avec la carte des
États-Unis et un baril de maïs soufflé
Dernier gros lot de conservateurs aux arômes artificiels
Derrière les panneaux aux slogans rassurants
Cette Diane des temps modernes se tait pour ne pas effrayer
Lillian ou Lilith personne ne sait
Pour survivre la mutique ne prend que ce qui est donné
Dépouille un épouvantail
Charité bien ordonnée et dépôts de vente placés sous la
vigilance des caméras de surveillance
Un chapeau de cérémonie jeté aussitôt volé
Le rouge à lèvres barbouillé à peine séduite
Le sang des règles et le jus d'une pastèque coulent entre
ses jambes
(…)
Des épaves de voitures ont remplacé les chevaux des rodéos
(…)
Dans une station-service, les galets d'une savonnette au
fond d'un lavabo
(…)
Les sucreries et les feux d'artifice tombent du ciel
(…)
La mort aux trousses surgit dans un champ de maïs
(…)
Un indien refuse l'oléoduc qui traverse la terre de ses
ancêtres
(…)
Se faire une réserve d'échantillons gratuits
(…)
Dans son comté où un noir a été pendu, le shérif abandonne
sa veste
(…)
Ses cheveux scotchés sur la poupée scalpée avant de la
démembrer
Des toilettes de chantier deviennent la caisse de résonance
d'une pluie diluvienne
La radio égrène
chaque jour son bulletin météo
Marcher jusqu'aux cailloux pour atteindre le sommet
Les parois se dressent dans la lumière de plomb
La peau gercée se soulève comme la mue d'un serpent
Le corps étanche sa soif aux glaçons laissés derrière soi
La vue se trouble à la buée de sa silhouette détrempée
Les taches se transforment en lignes mouvantes
Ses contours s'estompent dans la nuit
Les aurores jettent leurs couleurs insaisissables
La route donne un chemin à ceux qui n'ont rien vers la mer
qui efface les pas à chaque va et vient
En italiques, l'unique
parole de Lillian durant son épopée solitaire.
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