Un film pour rendre justice


 

Qu'existe-t-il entre Mélissa Lucio et une poignée de spectateurs un samedi de novembre dans une petite salle d'un cinéma de province ?

Le 9 octobre 1981, la France a aboli la peine de mort. Quarante ans plus tard nous sommes réunis pour voir le film documentaire L’État du Texas contre Mélissa.

Les premières images du film ont été tournées par une caméra de surveillance de la police. On y voit Mélissa assise dans un coin du bureau où elle est auditionnée pendant sept heures par trois officiers de police qui vont se relayer pour lui faire avouer le meurtre de sa petite fille Mariah âgée de deux ans. Des photos accablantes sont montrées à la mère qui tente de clamer son innocence. À trois heures du matin, la femme signe ses aveux.

À partir de là, plus rien ne sera jamais comme avant. La machine judiciaire texane s'abat sur cette femme d'origine latino, pauvre, droguée et mère de quatorze enfants. Elle est accusée d'infanticide.

Le film est une contre-enquête menée par la réalisatrice Sabrina Van Tassel. À la suite d'un reportage pour la télé française, la réalisatrice a rencontré plusieurs condamnées. Après avoir écouté Mélissa, elle décide qu'elle reviendra aux États-Unis pour filmer la seule histoire de cette femme.

Il y a des rencontres qui peuvent nous changer. Celle de ces deux femmes, chacune derrière la vitre d'un parloir d'une prison, en est une. Depuis douze ans Mélissa est détenue. Durant trois années, la réalisatrice tente de prouver l'iniquité d'un procès à charge qui n'a laissé aucune chance à l'accusée.

Il faut du courage et de la ténacité pour faire un film de cette histoire.

Mélissa damnée depuis son enfance est poursuivie par l'injustice. Trop dur répète-t-elle dans une litanie adressée à sa propre mère. Dur en effet d'être abusée sexuellement dans sa propre famille, d'être si jeune la mère d'une famille déjà nombreuse, dur d'attendre de l'école qu'elle lave vos propres enfants et des associations caritatives qu'elle les nourrisse, dur de porter la culpabilité de ne pas avoir assez protégé son enfant…

De Mélissa Lucio nous ne voyons aujourd'hui que le visage marqué et le corps lourd d'une femme de quarante-huit ans qui s'exprime posément derrière la vitre du parloir de la prison de Gatesville au Texas.

Devant l'écran de cinéma nous assistons au récit de sa vie. À la fin de la projection, Sabrina Van Tassel nous livre sans détour ses convictions. Elle défend cette femme injustement emprisonnée. Il y a tant d'engagement dans sa parole intarissable à répondre à nos questions qu'on ne peut être qu'admiratif du pouvoir qu'a encore le cinéma d'interroger le sens de nos existences et de la volonté de cette réalisatrice afin d'aider cette femme.

Ce film n'est pas un combat mais la réunion de deux êtres qui connaissent la valeur de chaque instant de ce qui nous retient encore à la vie.

Pour nous qui sommes à des milliers de kilomètres que pouvons-nous faire ?

Aller voir et entendre Mélissa Lucio dans le film de Sabrina Van Tassel, en parler autour de nous pour repousser l'inéluctable en espérant que la justice accorde une grâce à cette femme qui attend dignement sa fin. 

 

Actuellement en salles. Au cinéma Les Lobis à Blois, le jeudi 18/11 à 18h, le vendredi 19/11 à 18h, le samedi 20/11 à 16h, le lundi 29/11 à 18h.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Défense d'y voir

Baisers volés

Mona au Halo